Adieu Google Reader

Google Reader ferme le 1er juillet 2013. L’annonce de cette fermeture a surpris tout le monde. Elle a été faite en catimini le 13 mars 2013 : le jour de l’annonce du nouveau pape, histoire qu’elle soit noyée sous le flot d’information. Google Reader était le lecteur de flux RSS le plus populaire. Non seulement populaire, mais il était aussi utilisé par d’autres applications comme nœud centrale (Reeder par exemple). Personnellement, je l’utilisais tous les jours. Sur mon ordinateur via mon navigateur, sur mon téléphone via l’application Reeder et sur ma tablette via l’application Google Reader. Bref, l’annonce de sa fermeture a été une mauvaise surprise car il faisait parti de mon workflow journalier. Je n’imagine même pas le choc pour les dizaines de développeurs s’appuyant dessus. Pour quelle raison Google tuerait un produit aussi populaire ? Au moment de l’annonce de sa fermeture, Reader était plus utilisé que Google Plus.

Plusieurs mois avant l’annonce de la fermeture de Reader, Brent Simmons avait prévenu : les récents changements n’auguraient rien de bon. Il soulevait des points très intéressants :
- L’API de Reader n’est ni documenté, ni supporté et n’est pas officiel (contrairement à l’API Google Maps par exemple). C’est à dire que de nombreux développeurs s’appuient sur un outil pas fiable.
- Les possibilités sociales de partage de Reader ont été remplacées par une intégration de Google+. Le pas suivant étant de remplacer Reader par Google+. Il prédisait une futur de Reader à la Google Wave.

Google n’a jamais vraiment cru en Reader : même son créateur n’y croyait plus depuis longtemps, notamment depuis l’introduction du +1 amenant à partager sur Google+.

Le but : tout passer par Google+. C’est la démonstration d’un changement stratégique majeur chez Google. Auparavant, leur philosophie était de faire le meilleur produit possible et tout suivrait automatiquement. Cependant la concurrence a montré un point faible dans cette stratégie : les outils sont tellement bons qu’ils sont utilisés souvent mais pas longtemps. Prenons l’exemple du moteur de recherche : il est tellement performant qu’une fois la recherche effectuée on trouve le résultat rapidement et on passe à autre chose. Combien de temps passez-vous sur Google par jour ? Quelque minutes ? Comparez cela avec le temps passé sur Facebook… La nouvelle stratégie est simple : il faut capter l’utilisateur le plus longtemps possible (plus de publicités affichées plus longtemps = plus d’argent). D’où la mise en avant massive de Google+. Pour remplacer Reader, Google propose d’autres outils comme Google Currents. Il préfère une solution qui, en suivant votre comportement, vous génère une liste d’articles plutôt qu’une solution mettant l’utilisateur comme son propre rédacteur en chef. Ainsi, avec la nouvelle solution, vous ne contrôlez pas les sources proposées par Google. C’est une vision très orwellienne de l’information.

Cette fermeture arrive après des mois de dénigrement de la technologie RSS. Beaucoup disent que cette technologie est datée. Certains parlent de remplacer le RSS par Twitter ou Facebook. Cependant, je pense que c’est une vision erronée de l’utilisation du RSS. Le RSS est parfait pour suivre un grand nombre de sources mises à jour irrégulièrement (pensez aux blogs, pas aux sites d’informations). Une chose penche en faveur du RSS : c’est une technologie totalement ouverte possédée par personne. En choisissant le RSS, vous êtes totalement libre. La meilleur preuve est l’arrêt de Google Reader : vous pouvez choisir un bon nombre d’alternative (feedlynewsblur, netnewswire, et bientôt digg pour n’en citer que quelques uns). Par contre, si vous gérez votre flux d’information via Twitter ou Facebook vous êtes complètement lié à leur volonté. Exemple : Twitter qui veut limiter au maximum les applications tierces, limitant ainsi le choix et la liberté des utilisateurs…

Je suis assez attristé par cet état de fait. Pour moi, RSS est une excellente technologie et Google Reader était un bon agrégateur de flux. Cette fermeture aura des conséquences non anticipées par Google. Cela va ouvrir les yeux des utilisateurs des produits Google (moi le premier). Il y aura une vraie perte de confiance. Je ne peux pas m’arrêter de me demander en utilisant un produit Google s’ils ne vont pas le fermer (Picasa ? Drive ? Google+ ? Maps ? Google News ? Google Calendar ? ).

Cette fermeture me met le doute sur Google alors que je n’en avais pas. J’ai changé de gestionnaire de flux RSS, mais je cherche aussi à être moins dépendant de leurs produits car je n’ai plus confiance en eux. Et ce ne sont pas les révélations concernant PRISM qui vont me rassurer.

La mort de Google Reader est en fin de compte une bonne nouvelle : la compétition va prendre le relais et amener de nouvelles solutions en innovant. De plus, des utilisateurs sont d’ailleurs prêt à payer si cela assure la pérennité du produit. J’espère que cela amènera une réflexion plus large sur les produits gratuits qui sont rémunérés par la publicité et donc la collecte d’informations.